Le Pilier des Nautes Parisiaques
- Raymond Delavigne (GIDFMF)
- 14 nov. 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 nov. 2020
Le pilier des Nautes Parisiaques : vestige archéologique d'un culte des bateliers - marchands et sa succession chrétienne.

Une attestation très importante d'un culte rendu au fleuve Seine a été apportée par la découverte en 1711, sous le chœur de Notre-Dame de Paris, d'une série de quatre blocs de pierre ou dés sculptés, d'un imposant monument érigé au début de notre ère par les "Nautae parisiaci" c'est-à-dire les bateliers-marchands parisiens et dédié à Jupiter Taranis, le grand dieu gallo-romain, maître du ciel qui devait trôner au sommet du pilier haut de 5 à 6 mètres (dédicace à Jupiter Optimus Maximus).
Les faces sont décorées en bas-relief de couples de dieux gaulois et romains en alternance, parmi lesquels figurent au registre supérieur, Vulcain et Jupiter du côté romain et Esus et Tarvos Trigaranus (le taureau aux trois grues). Le registre du dessous affiche Castor et Pollux du côté romain et Cernunnnos et Smertrios du côté gaulois. Sur le registre inférieur figurent Mercure, Mars, Vénus, Fortuna et quatre déesses romaines ou gauloises.
Paul-Marie Duval, qui a décrit ce pilier, s'interroge sur les raisons du choix de ces dieux et de leurs rapports avec Lutèce (22). Les bateliers fluviaux du territoire parisien formaient déjà une corporation qui se prolongea jusqu'à l'époque moderne à travers les communautés et confréries, non sans changer de dieux ! Les dangers de la navigation et l'importance primordiale des cours d'eau comme moyen de communication explique la concentration des vestiges archéologiques le long de ceux-ci. Aussi dès le Moyen Âge, de nombreux oratoires, chapelles et églises furent érigés en faisant appel aux saints et saintes protecteurs de la navigation. Parmi ceux-ci, Saint Nicolas est certainement celui à qui les mariniers ont dédié le maximum de sites, une vingtaine sans doute. Ceux-ci jalonnent la Seine à St-Mammès, Juvisy, Choisy, Paris (chapelle du Palais dans l'île de la Cité et deux autres patronages), Maisons-Laffitte, Houilles, Cormeilles, La Frette, Pontoise…
Ailleurs on trouve aussi parfois Saint Adjutor, Saint Christophe, Saint Clément, Sainte Honorine, Sainte Geneviève, Saint Marcoul, Saint Victor, 23....
Vaux-le-Pénil, était le lieu d'un pèlerinage à Sainte Gemme, qui était la patronne des mariniers de la région de Meaux, comme l'était Conflans, vis-à-vis de Ste Honorine et pour les mêmes raisons.
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Auteur : Raymond Delavigne d'après "Aperçu sur un patrimoine légendaire méconnu : des déesses et des dieux, des saintes et des saints, des géants et des nains, des dragons et des fées… L'exemple de l’eau symbolique et sacrée en Île-de-France."
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- 1 Des noms de cours d'eau et de sources témoignant de leur caractère sacré.
- 2 Le pilier des Nautes Parisiaques : vestige archéologique d'un culte des bateliers-marchands et sa succession chrétienne.
- 3 Les zones inondables et les saints vainqueurs de dragons (dits « sauroctones »), ou la personnification de l'eau terrifiante.
- 4 Les saints et saintes qui portent leurs têtes (dits « céphalophores »), vers des fontaines sacrées.
- 5 Le symbolisme de la traversée des eaux (gués, bacs et ponts) par les passeurs mythiques vers l'au-delà.
- 6 Les îles et confluents en tant que lieux sacrés.
- 7 Les saints et saintes « météorologiques », régulateurs du climat.
- 8 Les êtres mythiques, habitants et gardiens des puits et les puits sacrés.
- 9 Les eaux qui guérissent.
- 10 Les lavoirs et lavandières suspects de paganisme.
DUVAL (Paul-Marie) : "De Lutèce oppidum à Paris capitale de la France (vers - 225 ? / 500)" in Nouvelle Histoire de Paris, Diffusion Hachette, 1993.
(23) PINCHEDEZ (Annette) : "Croyances et coutumes des gens de rivières et de canaux. Histoire et dictionnaire", Tallandier, Paris, 1992, 323 p.
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